Dernier jour de l’hiver, premier jour du printemps

 Au mal :


On couche sur la paille

On a rêvé jadis

De s’étendre à l’infini

Sur la dentelle des sens


On a rêvé de voir dans le gouffre des sens


Il y eut les yeux des autres

Il y eut la bêtise

L’ignorance et la nuée

L’origine et la fin


Et mon cœur et le tien


Dernier jour de l’hiver

Premier jour du printemps

Deux mondes bien à nous

Qui toujours nous hantaient


Nous voulions les confondre


Morte et la vie dis-moi ce que j’attends du monde

Aujourd’hui je suis prêt à comprendre mon mal

On a rêvé jadis aujourd’hui je veux vivre


J’ai perdu mon reflet dans le gouffre des sens

Ma nuit trouble la nuit mais n’attend plus le jour

Je suis au point mortel je n’ai pas d’avenir


On couche sur la paille

Malheureux à demi sans penser au bonheur

Un malheureux conscient s’étend sur son fumier


Il fait bon il fait noir

Le noir est la formule

On a rêvé jadis

On a eu tort pour vivre il ne faut pas rêver


Il faut se contenter d’être usé avant l’heure.


Au bien :


La gorge lourde du soleil

S’offre à mes lèvres par tes lèvres

À mes mains par tes mains prodigues

De toute ta chair à mon corps


Mon désir est plus grand que le ciel et la mer


D’être deux fois et d’être partagés

Nous nous sentons plus forts nous dominons le jour

Et les plaisirs du jour et les douleurs du jour

Notre cœur couvre tous les horizons


Mon désir mon amour tient entre tes yeux purs


Et nos caresses paysages

Nos premiers baisers de printemps

Nos lourdes étreintes d’orage

Unissent les quatre éléments


Vois la chaleur et vois mon chant qui t’éternise.

Paul Éluard


Comentários

Mensagens populares